Homo delphinus

Je ne compte pas la distance. Si je devais quantifier, ce serait au niveau du temps passé, ou chose bizarre, selon ce que me dit mon corps.
Je suis dans cet élément, un et entier. Fini le pur esprit, fini l’absence de sensation : je redécouvre cette partie de moi qui me dégoûtait, celle qui se dégrade, celle fragile et éphémère, celle qui finira un jour dans la pourriture, alors que l’autre sera oubliée d’elle-même.
Ici ne compte que l’instant présent : penser à respirer, contrôler mes membres, sentir et réagir. Et cela juste pour avancer dans ce milieu apparemment hostile. Un moment d’oubli et c’est la tasse. Un faux mouvement et la vitesse est perdue. Il faut continuer à bouger, sinon le froid me gagne. Toujours se battre et se renforcer contre l’inertie de l’eau.
Ce n’est pas le chemin doré de la sagesse. Mais cela y ressemble : c’est une voie bleue qui mène au plaisir. J’y trouve les caresses qu’un amant saurait me donner, j’y retrouve inconsciemment la matrice originelle, je me réconcilie avec cette chair, j’y gagne une fatigue bienfaisante.

J’y éprouve ce qu’on appelle de l’harmonie.