Ou comment s’arranger avec son anhédonisme…
Comment jouïr de la vie, lorsque l’on est pas équipé pour ?
Vivre sans pouvoir apprécier ce qui est bon, tout en endurant les mauvaises choses.
Les petites flammes du désir qui semblaient embellir l’enfance se sont éteintes sous les assauts récurrents de la dépression, la phobie sociale et la solitude affective. La crise existentielle a fait constater à l’adolescence une marque indélébile : l’absence de plaisir, autant physique que psychique. Que reste-t-il alors comme espérance pour remplir cette vie, et partir comblé lorsque la déchéance viendra ? L’on souhaite alors provoquer la mort au plus vite, qu’elle vienne à l’instant ou dans une heure, plutôt que subir des années sans saveur. Il n’y a plus que devoir, devoir, devoir… Se souvenir qu’il y a des gens qui nous aiment, se lever chaque matin pour aller gagner de quoi payer son pain et son logis, se forcer à tenir une conversation, faire semblant de se réjouïr pour faire plaisir aux autres, être là pour ceux qui le demandent… Dur, dur, dur… L’on ploie mille fois sous l’effort, mais il faut tenir, tenir, tenir…
Je m’imagine souvent en ange déchu, condamné à vivre la vie des hommes, emprisonné sur terre à cause d’une faute dont je n’aurais plus le souvenir. Même sans mémoire, j’en déduis que mon existence antérieure a dû être merveilleuse pour que je considère cette présente vie, morne, insipide, plate, …à crever.
Aussi fais-je un pari qui rappellerait celui de ce satané Pascal : Paradis ou pas, Bonheur ou pas, j’accepte ce purgatoire dans l’espérance d’en être libéré un jour et retrouver ce qui m’a été confisqué. J’endurerai la peine de vivre selon la loi de la nature et les lois des hommes. Et parmi la tonne de devoirs, celui d’apprendre à aimer la vie et à en jouïr ne doit pas être si dur que ça.
Je serais donc, comme il me plaira, tantôt acteur tantôt spectateur du monde. Naïf et avide de sensations comme nouveau né. Nuit et jour, une éponge sensorielle. En constant émerveillement devant la beauté de ce monde. Vivre de petites aventures ou de grandes passions… A force, il se pourrait bien que je regrette cette existence quand l’heure sera venue.
Le Petit Bonheur Primordial est en fait final : quand la mort m’accueillera, devrais-je sourire pour être enfin libre des contraintes de la vie ? ou bien devrais-je sourire pour avoir eu une vie comblée de petits bonheurs ?